Ma visite au CHU Sainte-Justine

- Marianne Goupil

Ma visite au CHU Sainte-Justine

Le 12 décembre dernier, j’ai mis les pieds dans un hôpital pour la première fois de ma vie (à l’exception de ma naissance, bien sûr). J’avais cette vision, cette perception qu’on projette des hôpitaux à la télévision ; les couloirs blancs, les gens apeurés, le sang, le stress, la détresse. Certes, les murs de Sainte-Justine ont vu & entendu d’affreuses histoires qui déchirent le cœur, probablement pire que celles qu’on peut s’imaginer. Cependant, après mon passage chez eux, je suis convaincue qu’ils ont vu & entendu des rires aussi. Des combattant.e.s ressortir encore plus fort, des équipes dévouées qui travaillent sans relâche & surtout - des miracles.  

C’est le 12 décembre dernier que j’ai quitté le bureau-chef de la Maison accompagnée de Marjo pour visiter le CHU Sainte-Justine avec la plus belle des missions — redonner à des parents au chevet de leurs enfants qui sont aux soins intensifs. 

En toute transparence, cette journée-là, j’étais terrifiée. Terrifiée à l’idée de traverser les portes battantes des soins intensifs. À quoi allais-je être confrontée ? Ces tout petits êtres, branchés, menant la plus grande bataille de leur vie? Que vais-je dire à ces parents à bout de souffle ? Vais-je trouver les bons mots pour leur apporter un peu de douceur & de réconfort à travers cette période si déchirante ? Si moi j’étais terrifiée avant d’y mettre les pieds, je ne peux imaginer ce qu’eux on put ressentir.  

D’un autre côté, le 12 décembre dernier, j’ai eu une des plus belles chances de ma vie. Parce que oui, je me considère extrêmement chanceuse d’avoir mis les pieds dans cette section de l’hôpital. Moi qui suis en pleine santé, moi qui suis là pour propager du beau dans cette unité privée, réservée aux gens qui ont réellement besoin d’y être.  Moi, je n’avais pas à être terrifiée & je suis profondément chanceuse. C’est confrontant de voir de telles choses, mais à mes yeux, c’était un des plus beaux cadeaux. J’ai eu la chance de grandir en tant que personne cette journée-là. De réaliser que c’est faux de croire que ça arrive toujours juste aux autres. C’est aussi avec une immense chance que cette journée-là, Marjo m’a dévoilé une partie de sa boîte à souvenirs - probablement ceux qui lui ont donné le plus grand des vertiges plus d’une fois - en commençant par le salon des familles situé juste avant les grandes portes battantes des soins intensifs. Endroit où les secondes se font ressentir comme des heures. Pièce que tu finis par connaître par cœur dans tous ses petits racoins lorsque tu attends le résultat des opérations de ton enfant. Marjo, je t’admire. Cette journée-là tu as décidé volontairement de refaire face à ta plus grande tempête, & ça, ça prend une immense pelletée de courage. Ne l’oublie pas.  

Puis, voilà. On a traversé les portes battantes accompagnées de 2 lumineuses bénévoles. On a visité chambre par chambre, distribuant de petits sacs remplis de délicatesses qu’on crée ici à Saint-Eustache, toujours en espérant mettre un baume sur ces grands nuages. Tranquillement, on a dessiné notre chemin & il y a eu cette chambre, celle qui donne la boule au le ventre. C’était la 17 - chambre de Lou, le plus fort. Contrairement au 12 décembre 2018, cette fois, elle était vide.  Inhabitée. C’était peut-être un adon, mais je l’ai plutôt perçu comme une façon d’enfin tourner cette page. De visualiser cette chambre vide - sans enfant malade, sans tempête, sans nuage gris. 
 
 
On a poursuivi notre visite & on a croisé plusieurs parents, tous sur leurs gardes au premier abord (ce qui est plus que comprenable). Après quelques échanges, ils étaient toutefois tellement reconnaissants de notre visite. Ils nous ont tendu des sourires sincères, ça m’a épaté. Je ne sais pas comment ils font. Même dans des situations comme celle-là, ils trouvent au fond d’eux la force de nous offrir ça - de la reconnaissance. Ouf.
Il y a eu d’autres chambres plus ardues, comme celle où on a échangé avec un papa qui attendait son garçon de 10 ans, parti mener un grand combat sur la table d’opération depuis les petites heures du matin. Un nouveau cœur pour ce petit cœur. Ça bouleverse. C’est déchirant. On s’est senties tellement impuissantes face à tout ça & je crois que c’est ce que j’ai trouvé le plus difficile. Il y a eu la chambre 22 aussi. Cette maman qui a ouvert son cœur à Marjo & qui lui a présenté son enfant. De mon côté, j’ai observé la scène par la fenêtre de la chambre. Si vous doutiez, le 12 décembre, les émotions traversaient les deux couches de vitres, je vous le promets. Je n’ai eu nul besoin de savoir ce qu’elles disaient, je le ressentais. Ça crevait les yeux (& le cœur). Je n’ai pas été en mesure de me retenir quand j’ai vu que cette maman s’approchait du lit, caressant la tête de son enfant d’une main, & essuyant ses larmes de l’autre. Vous vous doutez bien que je suis passée par toute une gamme d’émotions cette journée-là. 

Ce que je retiens le plus de ma visite au CHU Sainte-Justine du 12 décembre dernier, c’est de voir le personnel - confiant, en contrôle, réconfortant, impliqué. Les parents, avec des sourires étampés sur leurs visages, reconnaissants comme tout. Les couleurs sur les murs. Le calme sur l’étage. Les liens qui s’y tissent. Alors non, ce n’était pas du tout comme je me l’étais imaginé. Pourtant, dans chaque petite chambre se trouve bien une famille traversant l’une des plus grandes tempêtes de leurs vies.  J’ai vu des bénévoles offrir corps & âmes pour soutenir ces humain.e.s qui traversent les portes battantes de cet étage, autant à l’entrée qu’à la sortie.  

Alors à tout le personnel des soins intensifs du CHU Sainte-Justine, les parents qui passent par-là, nos petit.e.s combattant.e.s, précieuse Marjo - vous êtes fort.e.s. Merci sincèrement d’avoir rendu mon 12 décembre 2023 si spécial. Si un jour mon parcours me fait prendre un détour par chez vous & bien sachez que je ne serai pas terrifiée.  

Xx Marianne